Un filtre, deux focales
Connaissez-vous le filtre “split field diopter” ? Au cinéma, vous avez sûrement vu ses effets sur quelques scènes, car il a séduit bien des réalisateurs américains, de John Ford à Quentin Tarantino. Il offre à la fois une netteté sur le premier plan comme à l’arrière-plan.
Mise au point
Photographier, c’est décider un cadrage et une mise au point. La netteté se fait sur un plan précis. Les flous de premier plan et d’arrière-plan sont contrôlés par l’ouverture du diaphragme. Plus celui-ci est fermé, plus la profondeur de champ est grande. Mais aucune profondeur de champ ne permet d’être absolument net à 1 m et à l’infini. Le cinéma a résolu ce problème avec un filtre particulier : une bonnette à champ coupé ou “split field diopter”. Les excellents modèles pour le cinéma, très coûteux, sont fabriqués par Tiffen ou Schneider. Ils sont plus abordables chez Tide Optics, par exemple, autour de 50 €.
Au cinéma
Une bonnette est une lentille convergente fixée à l’avant de l’objectif, coupée en deux pour que l’effet optique ne soit produit que sur une moitié de l’image. Elle restitue avec netteté un objet placé près de l’appareil tout en conservant une netteté optimale sur des objets plus lointains. Le filtre pivote en fonction de la zone de netteté désirée. John Ford l’utilise pour la première fois dans The Long Voyage Home (1940), puis par Orson Wells pour Citizen Kane (1941). Brian De Palma l’emploie souvent dans ses films, notamment Carrie ou Blow Out, de même que Quentin Tarantino dans Reservoir Dogs. L’organisation professionnelle American Cinematographer publie un article sur ce sujet.
Bonnette et dioptrie
Une bonnette ou “close-up lens” est une lentille convergente montée sur l’avant de l’objectif. Elle permet de se rapprocher du sujet. Elle réduit la longueur focale du système optique sans pour autant transformer l’ensemble en grand-angulaire. Moins performante qu’un objectif macro, elle diminue le pouvoir résolvant de l’objectif et génère des aberrations optiques. Il suffit de fermer le diaphragme pour les réduire. La focale d’une bonnette est exprimée en dioptries, comme celle des loupes à main ou des lunettes de lecture. Une lentille convergente est une lentille positive : un + précède sa puissance, d’où les +1, +2 ou +3 mentionnées sur les lunettes loupe ou les bonnettes. Irving Penn a parfois utilisé des bonnettes avec son Rolleiflex pour ses célèbres portraits.
Dioptrie et longueur focale
Une lentille convergente a une longueur focale. La relation entre dioptrie (D) et focale (f) est l’équation D = 1/f. Si la longueur focale est exprimée en mm, nous avons D = 1000/f et f = 1000/D. Une dioptrie de +2 a une focale de 500 mm (soit f = 1000/2). Quand une bonnette est fixée sur l’avant de l’objectif avec une mise au point réglée sur l’infini, l’image est nette à la distance focale de la bonnette. Une bonnette de +2 dioptries montée sur un 50 mm avec une mise au point sur l’infini rend net tout objet situé à 500 mm de l’objectif. Peu importe la longueur focale de l’objectif sur lequel on monte la bonnette : quand l’objectif est réglé à l’infini, la distance de mise au point correspond à la focale de la dioptrie : 1 m pour une +1 dioptrie, 50 cm pour +2 dioptries, 33,33 cm pour +3 dioptries, etc.
Plan rapproché et infini, où est la mise au point ?
La puissance dioptrique d’un objectif peut se calculer. On divise 1000 par sa longueur focale. Pour un 50 mm. On obtient 1000/50, soit 20 dioptries. La focale de la combinaison bonnette + objectif peut se déduire approximativement de la façon suivante. Un 50 mm correspondant à 20 dioptries, on ajoute la puissance dioptrique de la bonnette, par exemple +2. Soit un total de 22. On divise 1000 par 22 et on obtient la focale de l’ensemble : 45,45 mm. Cela dit, comme la lentille est placée à une certaine distance en avant de l’objectif, la simple addition des dioptries ne donne qu’une idée approximative de la focale de l’ensemble objectif + bonnette. Le 75 mm du Rolleiflex d’Irving Penn, associé à une bonnette, a saisi le fameux portrait de Picasso au chapeau avec une bonnette Rolleinar. Le Rolleinar 1 (+1 dioptrie) ramène la mise au point de l’infini à 1 mètre de distance et 1 m à 50 cm. Le Rolleinar 2 (+2 dioptries) ramène l’infini à 50 cm et 1 m à 33 cm. Enfin, le Rolleinar 3 (+3 dioptries) ramène l’infini à 33 cm et 1 m à 25 cm.
Pour les matheux
Quand une bonnette est placée sur un objectif, la distance de mise au point pour une distance inférieure à l’infini se calcule de la façon suivante. La distance bonnette-objet est Db, la distance objet-bague de mise au point Do, la dioptrie D. Nous avons Db=1/(1/Do+D) et Do=1/(1/Db-D). Les valeurs sont en mètre. Avec une mise au point effectuée à 3 mètres sur l’arrière-plan, sans bonnette, la zone affectée par la bonnette sera nette à 43 cm. Pour un premier plan net à 40 cm à l’aide de la bonnette, l’arrière-plan sera net à 2 mètres.
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Texte et photos : Philippe Bachelier, professeur de Techniques d’impression à Spéos